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Les files d'attente (colas) - Par René Lopez Zayas - Publié en septembre 2020



Las colas (files d'attente) y los coleros (ceux qui font assidûment la file dans un but commercial informel).


Pour tout bon cubain c'est normal d'avoir fait, du moins une fois dans la vie (ou dans la semaine), la file d'attente pendant des heures afin d'acheter quoi que ce soit.


Mes parents ne s'étaient peut-être même pas encore rencontrés dans les années 1960 que les cubains faisaient déjà la file pour acheter un peu de tout; et les autorités avaient déjà culpabilisé peut-être les coleros, ainsi que les marchands informels des pénuries générales.


La mauvaise situation économique avait plus ou moins persisté jusque dans les années 1980, dans un pays qui, malgré la subvention soviétique, était encore marqué par l'absence périodique de certaines marchandises. Nous avons donc continué à faire la file.


Dans les années 1990, lors de la pire crise dérivée de la disparition du camp socialiste, les autorités désignaient à nouveau l'embargo américain, et les thésauriseurs individuels, comme les raisons de la profonde précarité qui nous frappait. Les files devinrent alors centrales et ne finiraient pas à la fin du siècle.


D'un côté les circonstances de pénuries, de réductions de la production nationale, de limitations financières et d'inefficacités dans la distribution, représentent habituellement un panorama complexe. D'autre part les coleros et les revendeurs ont toujours eu mille et une stratégies pour s'emparer du peu qu'il y a dans les marchés et les centres commerciaux.


Ce n'est pas un nouveau scénario dans le pays, il est vrai, mais c'est certain qu'il affecte de plus en plus la poche des citoyens et ajoute aujourd'hui de la tension à un système commercial d'État qui a été à plusieurs reprises dépassé par la réalité.


Personne, à part l'État cubain lui-même, n'aurait entre ses mains tous les outils pour mettre fin à de telles pratiques. Car les accumulateurs de marchandises ne prospèrent et s'enrichissent que là où il y a des pénuries, tout comme le marché noir d'un produit porte ses fruits là où il est absent, inaccessible ou interdit.


Il appartient alors à l'Etat de couper les sources dont se nourrissent coleros et revendeurs, vrai fléau social, avec une série de mesures qui n'attaquent pas seulement les effets désagréables de la crise mais qui aident plutôt tout un pays à sortir de ce long désert économique.


Il n'est pas nécessaire de trop se poser des questions pour trouver la solution ultime au problème des files d'attente et des revendeurs : l'approvisionnement.

Mais soyons clairs: dans un contexte marqué par les dégâts croissants du blocus américain, l'impact financier du COVID-19, les insuffisances productives de notre économie, la corruption et la bureaucratie; aspirer à avoir des magasins remplis de produits du jour au lendemain est un mirage. En ce sens, il ne s'agit plus maintenant que d'optimiser les ressources et de les répartir de la meilleure façon possible.


Malgré la présence du nouveau coronavirus à Cuba, la population ne cesse de se rassembler devant les magasins et autres établissements commerciaux pour acquérir les produits de première nécessité.


Les files d'attente font partie de la grave situation économique que traverse Cuba, toujours impliqué dans de petites crises, plus ou moins périodiquement, en particulier ces dernières années.


Tout ce qu'il faut c'est de faire un petit compte-rendu, et immédiatement il y a une liste de pénuries historiques : de poulet, de papier toilette, de détergent, d'œufs, de carburant, même de préservatifs, de cigarettes, de bière, de viande de toutes sortes, de dentifrice, de couvre-lits, d'huile, de purée de tomate et la liste pourrait s'allonger infiniment puisque les pénuries ont été nombreuses, sans toutefois atteindre les niveaux extrêmes et sous-humains des années 1990.


Il n'y a jamais eu cependant de pénurie de courage.


Coronavirus ou pas, les cubains et les cubaines doivent sortir dans la rue, demander leur tour dans une file d'attente, organisée par les forces de l'ordre public, très bien d'ailleurs, où il y a même de hauts fonctionnaires, et espérer qu'il y aura du poulet pour tout le monde, et pas seulement pour quelques-uns qui le revendent ensuite au triple du prix d'origine.


Les coleros sont, tout compte fait, des outils de distribution uniques qui régulent également le marché, non pas selon les règles de l'égalitarisme et de la justice sociale, mais basés sur la demande et le pouvoir d'achat du client.


C'est peut-être similaire à la ségrégation économique que les nouveaux magasins de nourriture en devises (MLC) approfondissent. La différence est que dans le premier cas, l'offre prohibitive pour beaucoup est entre les mains d'une partie privée et dans le second c'est le système lui-même qui la met en œuvre et l'autorise, bien obligé par les circonstances.


Qu'un lieutenant-colonel organise une file d'attente est surprenant, et pourtant cela se produit, et même si vous associez déjà la présence policière et militaire à la vente au détail à Cuba, cela ne peut que vous surprendre que le gouvernement utilise déjà ses premiers officiers pour ces corvées.


La distance sociale entre les civils et les militaires augmente naturellement et proportionnellement aux grades militaires en question.


Par conséquent, c'est exceptionnel qu'un lieutenant-colonel organise une file d'attente du peuple pour acheter ce qu'il y a ce jour-là.


Peut-être que les autorités ont finalement accepté que nombre de leurs sous-officiers, en particulier de la police, manquent de préparation, de compétences, de culture et de capacité pour le traitement continu, patient et quotidien de personnes, souvent exaltées ou accablées par les heures d'attente sous le soleil tropical intense.


Nous avons également vu les mêmes hauts gradés militaires faire souvent la même file que les gens ordinaires. Peut-être aussi que la crise actuelle a démocratisé quelque chose d'aussi terrestre que les files d'attente.


Les files d'attente à Cuba font donc partie indéniable de la culture populaire, elles font partie génétique d'un peuple qui a rarement vécu des moments fugaces d'abondance.


Parfois, il est étrange d'arriver dans un établissement et de pouvoir acheter quoi que ce soit sans avoir à faire la file. Car s'il n'y a personne, c'est généralement parce qu'il n'y a rien non plus.


Les files d'attente ont survécu au covid-19, parce que le coronavirus préfère apparemment d'autres zones pour sa propagation, et les cubains ont plutôt peur des pénuries symptomatiques de produits de base que de tomber bêtement malades.


Les files d'attente et les Cubains, ces super-héros anonymes de tous les jours, ces êtres résilients bénis par le sourire éternel, et bien nous serons toujours là, même lorsque la pandémie ne sera plus qu'un mauvais souvenir.


@rebellecuba vous invite à découvrir Cuba, mais aussi, à comprendre les cubains.


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